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Suivez mon année à l'Université d'Edimbourg et mes déambulations autour de l'Ecosse.

18 Sep

Vote Yes ! No, thanks

Publié par Amélie  - Catégories :  #Politique

'Evening guys!

Nous sommes maintenant à la veille du référendum pouvant déboucher sur une indépendance de l’Écosse, et je me décide enfin après maintes pressions de mon entourage à vous dire quelques mots sur l'ambiance qui règne ici à Édimbourg.

Vous n'êtes pas sans l'ignorer, les Écossais devront répondre demain à la question suivante : "Should Scotland be an independent country ?" La question est simple dans sa formulation. Elle est incroyablement compliquée dans ce qu'elle signifie et ce qu'elle implique.

J'ai bien peur que les deux semaines passées ici à Édimbourg n'aient été trop courtes pour avoir le temps d'analyser la question de fond en comble, demander à chaque personne croisée son opinion, comprendre la répartition géographique du Yes ou du No, détailler la position de chaque camp sur chaque issue.

Mais je souhaite tout de même vous faire partager à travers cet article la situation telle que je la ressens ici, à quelques heures de l'ouverture d'un vote historique.

Vote Yes ! No, thanksVote Yes ! No, thanks

Vote Yes

Quand vous arrivez à Édimbourg, vous ne pouvez pas passer à côté de la campagne pour le Yes à l'indépendance. Posters collés aux fenêtres des maisons, affiches placardées aux vitres des voitures, autocollants sur les panneaux, les murs et les vélos, et enfin pin's accrochés sur le manteau, la casquette ou l'arrière du sac à dos : la campagne se fait au quotidien et par le biais des habitants ordinaires.

De jour en jour, elle progresse, de nouvelles affiches apparaissent, elle s'invite dans le décor de la ville, y laisse sa trace et comme l'encre qui s'étend sur une feuille de papier, cette idée un peu folle se transmet d'un Edimbourgeois à un autre.

Pourtant, cette campagne silencieuse qui se fait au gré de rencontres, de soutiens, de discussions entre pairs, tend à échapper à certains observateurs trop hâtifs qui ne savent se fier qu'aux chiffres.

C'est ainsi qu'on en arrive un beau dimanche à un tremblement de terre : les sacrosaints sondages l'ont dit, pour la première fois depuis le début de la campagne, le Yes est passé devant le No. "O rage, O désespoir" s'exclament alors tous ceux qui, à deux semaines du vote, ont encore refusé de prêter attention aux cinq millions d'habitants des confins nord-ouest de l'Europe. David Cameron s'insurge, prend peur et se rend soudain compte de l'ampleur de la promesse faite deux ans auparavant. L'Union Européenne est ébranlée : l'Europe des régions ça va deux minutes mais il ne s'agirait pas de déclencher une réaction en chaîne, pourquoi pas la Catalogne tant qu'on y est ? Les marchés s'alarment, c'est pas que les lubies de quelques roux en kilt soient très intéressantes, mais faudrait pas déstabiliser les cours de la monnaie et du pétrole. Les journaux anglo-saxons prennent les devants : non pas qu'ils aient jamais supporté l'indépendance jusqu'alors, mais par mesure de sécurité, mieux vaut tout de même le dire clairement : Better Together ! Même les journaux français se mettent à parler de l’Écosse tous les jours - c'est pour dire.

La couverture médiatique prend une autre tournure : le moment n'est plus historique seulement pour les Écossais, il le devient pour l'Europe entière et au-delà.

No, thanks : les apparences trompeuses

Après avoir lu ces lignes, vous pourriez être tenté de vous dire qu’Édimbourg vibre au son du Yes et que seuls les outsiders croient encore que le No est inévitable. Détrompez-vous ! Pour peu que vous vous intéressiez aux sciences politiques et au comportement des individus, vous devez savoir que d'un bord à l'autre de l'échiquier politique et suivant l'idée qu'on supporte, les stratégies et les comportements diffèrent.

Si les partisans du Yes ont effectivement tout intérêt à se montrer le plus possible pour rallier les indécis et les hésitants et affirmer haut et fort que la cause défendue n'est pas utopique, la tâche est bien plus complexe pour les partisans du No.

Un premier constat linguistique - paramètre non négligeable : le Yes est positif, le No est négatif. Faire campagne pour le No, c'est l'idée de refuser, de rejeter, plus proche d'un recul que d'une avancée. Donc, évidemment, afficher à sa fenêtre : No, ça peut paraître un peu brutal.

D'autre part, il y a la question du nationalisme. Même s'il est très particulier, le nationalisme écossais en reste un. Dire No à l'indépendance ne veut pas dire refuser l'identité écossaise, mais certains partisans du Yes n'hésiteraient pas à taxer leurs compatriotes de vendus pour la simple raison qu'eux mêmes n'envisagent pas une identité écossaise pleine et accomplie au sein du Royaume-Uni.

Pour ces raisons, il faut donc d'autant plus de courage pour afficher un immense No - voire un No, thanks, formule que je trouve très arrogante - à sa fenêtre et conserver de bonnes relations avec le voisin du dessous qui arbore de beaux Yes sur toutes ses fenêtres. Évidemment, quand en plus le No surplombe les sondages, pourquoi s'infliger cette peine ?

Et puis bien sûr, même si ce référendum est un moment historique, cela ne signifie pas forcément qu'on soutient avec passion l'une ou l'autre des possibilités. Pour reprendre les mots de mon propriétaire (non exact) : "Our hearts would vote Yes, but our heads tell us to vote No. I would probably be kind of a No-voter." [Nos coeurs nous disent de voter Oui, mais nos têtes nous disent de voter non. Je pense que je voterai probablement pour le Non]

Toutefois, les affiches du No ont fleuri depuis deux semaines, avec la peur que le Yes ne prenne trop d'ampleur. Je ne peux malheureusement pas vous en apporter la preuve en photo pour la raison très pragmatique suivante : autant j'ai passé ma première semaine ici appareil photo à la main, autant je ne l'emporte plus dans tous mes déplacements, les No ne se sont pas réveillés assez tôt. ;)

And now ?

C'est probablement la question que des millions d’Écossais se poseront demain : And now, what will be the result ? Et maintenant, quel sera le résultat ? Après deux ans de campagne, chaque Écossais aura la lourde responsabilité de cocher une seule des deux cases proposées et d'en assumer toutes les conséquences.

Je souhaite bien du courage à tous les individus de cette nation pour qui le choix sera difficile : tous ceux qui regarderont avec regret la case du Yes en se disant que ce n'est vraiment pas raisonnable ; ceux qui une fois dans l'isoloir se diront "Et puis merde, pourquoi pas ?" ; ceux qui mettront tous leurs espoirs d'avenir dans l'indépendance et ceux dont le présent dépend de l'Union ; ceux qui se sentent anglais et écossais à la fois et ne seront peut-être plus que l'un des deux ; ceux qui décideront de sacrifier la sécurité de leur situation en pensant aux générations futures ; ceux qui au contraire auront à répondre d'une décision aux conséquences lourdes contre laquelle ils s'étaient dressés.

A tous ces Écossais là et bien d'autres, good luck !

Je termine cet article en partageant mon admiration pour la relative non-violence dans laquelle c'est déroulée cette campagne. Je n'imagine même pas la guerre civile que pourrait provoquer une telle échéance en France. Les photos ci-dessous montrent l'humour et l'élégance très écossais avec laquelle la campagne a été souvent menée des deux côtés. (Nouvelles excuses pour la non-représentation du 'No').

Rendez-vous vendredi pour l'analyse du résultat : And now, what happens ?

Les intarissables partisans du Yes s'invitent sur la plage, dans les pubs et... en haut des statues !
Les intarissables partisans du Yes s'invitent sur la plage, dans les pubs et... en haut des statues !Les intarissables partisans du Yes s'invitent sur la plage, dans les pubs et... en haut des statues !

Les intarissables partisans du Yes s'invitent sur la plage, dans les pubs et... en haut des statues !

Je m'excuse pour cet article vraiment tardif mais j'ai eu quelques problèmes d'inspiration, de temps et... d'enregistrement !

L'écriture et l'orthographe sont sans doute un peu bâclés, at least it's there.

See you on Scotland Spotting !

PS : Ceci est un article sur la politique, n'hésitez pas à venir débattre dans les commentaires.

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M
Ah merci! super, on a bien la vision de cet enjeu de l'autre coté de la Manche. <br /> J'ai bien aimé ton explication sur le coté &quot;No&quot; pas très vendeur effectivement. Finalement le sens dans lequel est posée la question peut donc jouer sur les résultats ?<br /> Car si la question avait été : voulez vous rester dans le Royaume Uni, le non d'aujourd'hui aurait été un oui avec son coté positif.Je me pose donc cette question, qui décide du sens de la question posée? De même si dans le pays, à ce moment là, les gens ont envie de se révolter contre le gouvernement, ils seront tentés par un &quot;Non&quot;, quelque soit la question.<br /> En tout cas ton article m'a déclenché toute une série de questions !<br /> y répondrais-je OUI ou NON ? <br /> quel plaisir de te lire, bisous
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M
ah oui je l'attendais cet article-là ! et vite la suite avec ton analyse sur les résultats...
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J
yes or no, that's a question !
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D
Merci beaucoup Amélie pour cet article, me permets tu de le partager avec mes amis du groupe de conversation Anglais Français de Marval, ils en sont demandeurs !!!! Je t'embrasse et bravo bravo pour ton parcours ! A vite de nouveaux articles Dominique
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A
Oui bien sûr! Ça me fait très plaisir que ce soit lu par d'autres personnes que mon entourage ! A bientôt et j'espère que tout s'est bien passé pour votre installation à Marval, Amélie
P
Bravo pour cet article synthétique sur l'ambiance sur place.<br /> Les conséquences d'un oui seraient effectivement très importantes. On n'en prend pas vraiment la mesure de ce coté de la manche.<br /> Je souhaite bonne chance à l'écosse quelque soit le résultat.
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